Opérations de capital risque : négocier l’entrée d’un investisseur providentiel dans le capital de son entreprise
Lorsqu’une entreprise innovante en création ou une jeune entreprise à fort potentiel de croissance sollicite l’intervention d’un investisseur providentiel, la prise de participation de ce dernier est quasi systématiquement conditionnée par la mise en place d’un pacte d’actionnaires.
La réglementation régissant la protection des intérêts des actionnaires est insuffisante pour satisfaire cet investisseur. C’est pourquoi la pratique recourt à la mise en place de pactes d’actionnaires – dont la négociation n’est pas exempte de tensions entre le dirigeant-entrepreneur et l’investisseur !
Pacte versus Clauses statutaires
Au-delà des aspects généraux de choix entre ces deux options (tels que la non opposabilité du pacte aux tiers, sa discrétion, les sanctions plus compliquées à mettre en oeuvre que dans le cadre de la violation d’une clause des statuts…), la mise en place d’un pacte d’actionnaires permet à l’investisseur de ne pas se trouver en position délicate lors de futures négociations. Ainsi les entreprises dans lesquelles l’investisseur sera amené à prendre une participation ultérieurement ne pourront pas lui opposer les conditions déjà acceptées précédemment.
Par ailleurs, si des restrictions aux pouvoirs des dirigeants figurent dans le pacte, le ou les dirigeants verraient une difficulté à rendre publique ces restrictions alors même qu’il(s) exerce(nt) encore un contrôle majoritaire au sein de leur société.
Le contenu du pacte d’actionnaires
Le pacte d’actionnaires conclu aura pour objectif d’organiser les relations entre les actionnaires fondateurs et le ou les investisseurs providentiels et d’envisager les solutions de liquidité.
Dans ce cadre là, l’on retrouve généralement quatre catégories de clauses :
1. Les clauses relatives à l’information
Le pacte prévoira ainsi qu’un certain nombre d’informations doivent faire l’objet d’un reporting dont le contenu devrait varier au cas par cas. Par ailleurs, le pacte peut prévoir la possibilité de poser des questions et de réaliser des audits… dont il faudra déterminer dans le pacte qui en supportera le coût !
La perte de temps générée par des reporting non productifs et le risque de voir sa responsabilité mise en cause en cas de difficultés financières graves de la société sont des éléments que l’entrepreneur ne manquera pas de faire valoir afin de négocier au mieux les clauses du pacte relatives à l’information… mais aussi au contrôle de la gestion.
2. les clauses relatives au contrôle de la gestion
L’investisseur sera plus ou moins impliqué selon la configuration adaptée. Néanmoins, dans le cadre d’une SAS il conviendra de bien prévoir au cas par cas les droits et obligations des différentes parties lors de la mise en place d’organes spécifiques (ex : comité stratégique) auxquels participerait l’investisseur. Plus généralement le pacte précisera les limitations de pouvoirs des dirigeants (tel qu’un droit de véto de l’investisseur).
3. Les clauses relatives aux modalités de sortie et cession de titres
Par delà les clauses statutaires d’agrément, le pacte contiendra généralement un droit de préemption, une clause d’exclusion, une clause de sortie conjointe (totale ou proportionnelle) permettant la cession du capital à un repreneur, une clause de retrait organisant les modalités de sortie de l’investisseur, une clause d’inaliénabilité interdisant les cessions de participation pendant une durée limitée.
4. Les clauses relatives aux droits financiers
L’investisseur demande en général que le maintien du niveau de sa participation lui soit garanti via la mise en place d’une clause anti-dilution. Des clauses relatives à la politique de distribution de dividendes et à la gestion et au dépôt des droits de propriété intellectuelle seront également insérées.
Evidemment, les clauses susmentionnées ne constituent en aucune façon une liste de clauses limitatives. Afin d’assurer le succès de l’opération, chacune des parties devra être guidée lors de la négociation par le souci d’aboutir à des obligations réciproques « raisonnables » en restant particulièrement vigilante sur les clauses relatives à la sortie du capital.
NB: Chaque pacte au-delà des règles juridiques habituelles, devra prendre en compte les besoins particuliers de l’investisseur comme de l’entrepreneur qui conduiront à l’introduction d’autres clauses que celles ici évoquées.
Béatrice LERAT
Avocat
Reprise de notre article paru dans écoplus n°368 du 3 mai 2012.
Mots-clefs : business angel, croissance, entreprise, gestion, innovation, levée de fonds, management juridique de l'innovation, start up, tour de table