Gérants majoritaires de SARL… une espèce en voie d’extinction?!
Alors que traditionnellement l’on souhaite une bonne année en cette période … l’on serait plutôt tenté – à tort ou à raison – de souhaiter… bon courage aux gérants majoritaires… c’est-à-dire à l’essentiel des chefs d’entreprises lecteurs de ce bulletin tant ils ont fait l’objet «d’attentions particulières » du législateur fin décembre 2012.
En effet, outre la suppression de l’abattement forfaitaire de 10 %pour frais professionnels, qui touche les gérants et associés, dont les rémunérations sont imposées à l’impôt sur le revenu selon les règles des traitements et salaires, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 (LFSS pour 2013) a assujetti à cotisations sociales les dividendes perçus par les gérants majoritaires de SARL…. mais pas par les autres mandataires sociaux.
Ainsi, le régime social des dividendes versés par leur société aux mandataires sociaux type Président ou Directeur Général de SA ou de SAS ou même gérant minoritaire de SARL reste – à ce jour – inchangé avec un assujettissement aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine à hauteur actuellement de 15.5% (taux dont on a tout lieu de penser qu’il sera relevé en 2013).
En revanche pour les gérants majoritaires de SARL (assimilés eux à des travailleurs non salariés (TNS) sur le plan social) le choc est rude. En effet désormais la majeure partie des dividendes perçus par des gérants majoritaires de sociétés à responsabilité limitées est assimilée à une rémunération du travail… sur le plan social … (mais pas sur le plan fiscal !) : Depuis le 1er janvier 2013, la fraction des revenus distribués (les dividendes) et des intérêts payés qui excède 10 % du capital social, des primes d’émission et des sommes versées en compte courant doit être réintégrée dans l’assiette des cotisations sociales sur les revenus d’activité des gérants majoritaires dirigeant une société assujettie à l’impôt sur les sociétés.
Petite précision, les revenus pris en compte sont non seulement ceux perçus par le gérant majoritaire mais aussi ceux de son conjoint ou du partenaire auquel il est lié par un Pacs ou ceux de leurs enfants mineurs non émancipés.
Il est indiqué dans la LFSS pour 2013 qu’à titre transitoire, la part des revenus distribués et des intérêts payés perçus en 2013 et 2014 par les personnes nouvellement redevables de cotisations sur les dividendes sera prise en compte pour le calcul des cotisations provisionnelles dues au titre de ces années. Ces revenus feront l’objet d’une déclaration obligatoire, dans le délai de 30 jours à compter de leur perception.
Au-delà, l’on peut se demander si cette mesure ne risque pas à minima de provoquer des dissensions au sein de la SARL et au pire d’être en partie un facteur de défaillance d’entreprise.
En effet, dans l’hypothèse où le gérant majoritaire bénéficierait du paiement d’un dividende d’un montant supérieur à 10 % du capital social, l’on peut imaginer que les cotisations sociales TNS soient prises en charge par la SARL sous réserve d’une décision en assemblée générale…. le gérant majoritaire s’acquittant seulement des 15.5 % de prélèvements sociaux sur le montant des dividendes perçus inférieurs à 10 % du capital social. Si cela peut être une bonne nouvelle pour le gérant majoritaire…cela ne manquera pas d’être relevé par les associés minoritaires qui devront eux s’acquitter personnellement des 15.5 %de prélèvements sur la totalité des dividendes perçus.
Au pire, et passé la période transitoire 2013-2014, l’on peut imaginer que l’assemblée générale ordinaire annuelle d’une SARL décide, en juin N+1, au vu du bilan au 31 décembre de l’année N de distribuer des dividende en N+1 excédant pour le gérant majoritaire 10% du montant du capital social, la société prenant en charge ses cotisations sociales TNS. Dans cette situation, c’est seulement en N+3, donc deux ans après le versement du dividende litigieux que la société devra faire face à la régularisation de cotisations TNS sur dividendes dont le calcul obéit à des règles pour le moins complexes, donc difficiles à anticiper au niveau de la trésorerie de la société… Dans un contexte économique difficile, cela pourrait remettre en cause la pérennité même de l’entreprise dont les comptes sociaux seront impactés dès N+2 par la distribution de dividendes intervenue en N+1.
La question de l’optimisation de la rémunération du gérant majoritaire
Il ne faudrait néanmoins pas sombrer dans le catastrophisme : Les conséquences de cette réforme sont en effet variables selon le niveau de rémunération du gérant majoritaire.
D’une façon générale plus la rémunération globale du gérant (c’est-à-dire rémunération de gérance ET dividendes) sera élevée plus le gérant aura intérêt à privilégier une forte rémunération de gérant au détriment du dividende.
Autant dire que si le gérant majoritaire fait le choix d’optimiser au niveau fiscal et social sa rémunération – pour autant que les résultats de sa SARL le lui permettent – il risque fort de se mettre à dos plusieurs personnes : d’une part ses associés minoritaires, pour autant qu’il en ait, – qui verront leurs propres dividendes diminuer du fait de la rémunération importante que se verse le gérant TNS ; D’autre part, ses banquiers, moins enclins à accorder des crédits bancaires lorsque les résultats sont impactés à la baisse par une forte rémunération de gérant.
Il ne lui restera alors plus comme « ami » que le RSI…sans doute confronté dans les mois à venir à des transformations en nombre de SARL en SAS.
Inutile de s’étendre sur le fait que l’on ne décide pas de la transformation d’une société seulement au vu de la dernière loi fiscale ou sociale.
Attention donc aux fausses bonnes idées de transformation : il n’existe pas de statut idéal et tout dépend du niveau de rémunération du dirigeant et de ses contraintes personnelles.
La transformation d’une SARL en SAS représente un coût global de plusieurs milliers d’euros (honoraires du commissaire à la transformation, honoraires d’avocat et coût des formalités)….ce qui n’est pas à négliger…d’autant qu’on ne peut exclure que le mandataire social assimilé à un salarié, type président de SAS par exemple, soit un jour soumis aux mêmes difficultés que le gérant majoritaire de SARL aujourd’hui.
Finalement…et si vous commenciez tout simplement par augmenter le capital de votre SARL en incorporant des réserves pour réduire l’impact de cette nouvelle règle… comme votre avocat vous y invitait déjà fin 2012 en prenant connaissance du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 ?
Béatrice LERAT
Avocat
LERAT AVOCAT – Partenaire en droit des affaires et fiscalité
reprise de notre article paru dans le bulletin de la FFB21 de janvier 2013
Mots-clefs : avocat conseil d'entreprises dijon, cotisations, FFB, optimisation de la rémunération, société