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02.03.2009

De l’opportunité de créer une société d’exercice libéral (SEL)?

Lorsque la loi du 31 décembre 1990 a créé les SEL, l’une de ses ambitions affichées était de permettre aux professionnels libéraux de bénéficier de la fiscalité plus favorable des sociétés commerciales par le biais de l’imposition à l’impôt sur les sociétés.

 Personne à l’époque ne nous avait parlé des prélèvements sociaux…

 Il faut dire que la question est loin d’être simple!

 Pour preuve, les débats et divergences atteignent même les plus hautes juridictions!

 On se souvient que l’année 2008 a été marquée par les décisions contradictoires rendues en la matière par le Conseil d’Etat et la Cour de Cassation.

 Selon le Conseil d’Etat (CE 14 novembre 2007, n° 293642), les dividendes ne doivent pas rentrer dans l’assiette des cotisations sociales. (Il s’agissait en l’espèce d’un médecin).

Selon la Cour de Cassation (cass. civ., 2e ch., 15 mai 2008, n° 06-21741) au contraire, les bénéfices distribués par les sociétés d’exercice libéral à leurs membres qui y exercent leur activité professionnelle constituent bien le produit de cette activité et entrent donc dans l’assiette des cotisations sociales, même s’ils sont imposés à l’impôt sur le revenu comme des revenus de capitaux mobiliers.

 La Cour de Cassation retient donc une position exactement contraire à celle du Conseil d’Etat. (En l’espèce, il s’agissait d’un chirurgien dentiste et non d’un médecin mais cela ne change rien à la question du principe de l’assujettissement ou non des dividendes aux cotisations sociales).

Mais de quelles cotisations parle-t-on d’ailleurs?

En effet, si l’arrêt de la Cour de cassation ne portait que sur les cotisations d’assurance vieillesse des professions libérales, la question a été soulevée de l’extension de cette solution à l’ensemble des cotisations et contributions sociales des travailleurs non salariés.

 Au vu de cet imbroglio, le législateur a tranché la question, au moins en partie, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

Désormais, les dividendes supérieurs à 10 % du capital et des comptes courants sont considérés comme des revenus professionnels assujettis aux cotisations sociales.

 Pour arriver à cette solution, le législateur est parti de l’idée que le dirigeant de la SEL, notre gérant majoritaire de SELARL pour être précis, avait tendance à choisir la distribution des revenus de sa société plutôt sous la forme de dividendes que sous la forme de rémunération de dirigeant, précisément pour réduire le montant à verser de ses cotisations sociales.

Il est vrai que de nombreux médecins ont constitué au cours de ces dernières années leur petite SEL unipersonnelle dans l’optique de réduire substantiellement leurs cotisations sociales en distribuant une partie très importante de leurs bénéfices sous la forme de dividendes.

 Or, l’analyse selon laquelle il serait plus intéressant de rémunérer le gérant majortaire de SELARL en privilégiant la rémunération sous forme de dividendes n’est vraie que pour les petites SEL, c’est à dire celles dont la rémunération annuelle des associés est inférieure au niveau à partir duquel les cotisations sont plafonnées (de l’ordre de 170 000 euros).

 Au delà de ce plafond, les associés de la SEL ont au contraire intérêt à augmenter leur rémunération plutôt qu’à prélever un dividende.

 En l’état, tout professionnel libéral tenté par un régime « avec SEL » devra donc comparer les alternatives SELARL et SELAS (non touchée à ce jour par la réforme de l’assujettissement aux cotisations sociales des dividendes).

En effet, depuis cette année, les SAS recouvrent une certaine attractivité: elles n’ont plus à remplir l’exigence d’un capital social minimal, ni celle d’un commissaire aux comptes en dessous d’un certain chiffre d’affaire.

 Le professionnel libéral tenté par la SEL devra également s’interroger sur le montant du capital social à souscrire (de préférence conséquent). A cet égard, il n’est pas inutile de rappeler que la libération du capital peut s’étendre sur 5 ans.

Par ailleurs, la souscription au capital d’une SEL donne droit, sous certaines conditions, à des avantages fiscaux intéressants allant du crédit d’impôt de 25 % du montant de la souscription (certes, plafonné à 10 000 euros/an pour un couple) à la réduction d’ISF (plafonnée à 50 000 euros/an).

 La constitution d’une SEL peut donc toujours constituer une alternative intéressante à condition de savoir subtilement doser le montage à retenir.

 Quant à ceux qui ont déjà franchi le pas du passage en SEL et qui sont ulcérés par cette réforme de l’imposition des dividendes, il leur reste deux possibilités:

  • soit ils ont développés une allergie aux prélèvements sociaux excessifs et dans ce cas la transformation de leur SELARL en SELAS peut être une alternative au moins à court terme,
  • soit, ils devront revoir le panachage de leur rémunération professionnelle globale entre rémunération de gérance et dividendes.

La SEL demeure donc encore à ce jour un outil intéressant pour ceux qui dégagent un plafond de recettes et de résultats importants tout en ayant de gros investissements à financer mais le dosage de la SEL devient de plus en plus subtil.

©Béatrice LERAT

Avocat

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