Crédit d’impôt innovation: risques et opportunités
Mis en place par la Loi de finances 2013, le crédit d’impôt innovation (CII) est un dispositif d’aide aux entreprises innovantes qui s’insère dans le dispositif du Crédit d’Impôt Recherche (CIR) et le complète.
Les choses sembles simples… et pourtant le dispositif recèle des difficultés pratiques potentiellement génératrices de risque fiscal.
Entreprises et dépenses éligibles
Ce dispositif, applicable aux dépenses engagées depuis le 1er janvier 2013 est réservé aux PME (c’est-à-dire aux petites et moyennes entreprises industrielles, commerciales, artisanales et agricoles ayant un effectif de moins de 250 salariés et un chiffres d’affaires inférieur à cinquante millions d’euros ou un total de bilan inférieur à quarante trois millions d’euros).
Les opérations de conception de prototypes de nouveaux produits ou les opérations d’installations pilote de nouveaux produits ouvrent droit à ce crédit d’impôt innovation.
Les dépenses éligibles au CII sont donc les suivantes : dotations aux amortissements des immobilisations créées ou acquises à l’état neuf et affectées directement aux opérations de conception de prototypes ou installation pilote de nouveaux produits, dépenses de personnel affecté à la réalisation des opérations de conception. (en cas de temps partiel, ces dépenses sont retenues au prorata du temps effectivement consacré à ces opérations), dépenses de fonctionnement faites pour ces opérations (prises pour un montant forfaitaire fixé à 75 % des dotations aux amortissements et à 50 % des dépenses de personnel), frais de prise de brevets et de certificats d’obtention végétale ainsi que les frais de dépôt de dessins, frais de défenses des brevets et dessins, dépenses exposées pour la réalisation des opérations confiées à des entreprises, des bureaux d’études et d’ingénierie agréés.
La réalisation d’opérations de conception de prototypes et d’installation pilotes relevant de la phase de recherche est elle expressément exclue des dépenses éligibles au crédit d’impôt innovation (ces dépendes étant en effet déjà prises en compte dans le cadre du Crédit d’Impôt Recherche).
Les choses semblent simples… et pourtant le dispositif recèle des difficultés pratiques potentiellement génératrices de risque fiscal.
Ainsi, toute la difficulté d’application de ce CII provient de l’appréciation de la notion de prototype mais aussi des notions d’innovation et de nouveaux produits.
Concernant la notion de prototype la définition retenue peut présenter des difficultés pour arriver à départager ce qui relève du Crédit d’Impôt Recherche classique et ce qui relève du CII.
Concernant la notion de nouveau produit, l’administration fiscale précise qu’est considéré comme un nouveau produit un bien corporel ou incorporel qui, d’une part, n’est pas encore mis à disposition sur le marché et, d’autre part, se distingue des produits existants ou précédents par des performances supérieures sur les plans technique, de l’éco-conception, de l’ergonomie ou de ses fonctionnalités.
Les entreprises qui souhaiteront donc bénéficier du CII devront donc être en mesure de démontrer que le produit pour lequel elles sollicitent ce crédit d’impôt est nouveau sur le marché sur lequel opère la société et que l’entreprise a effectué des mesures permettant de qualifier les performances des produits. Entre les études de marché et les tests permettant d’établir les performances des produits, les entreprises qui demanderont à bénéficier du CII devront donc établir, avec leurs conseils, un dossier très minutieusement préparé pour ne pas risquer une remise en cause de ce CII lors d’une vérification de comptabilité.
Fonctionnement du CII
Le CII ouvre droit à crédit d’impôt égal à 20% des dépenses éligibles (cf. liste ci-dessus) retenues dans la limite de 400 000 euros maximum par an. Le montant maximal du CII pouvant être acquis au titre d’une année civile par une PME est donc de 80 000 €.
Cela est donc moins que le Crédit d’Impôt Recherche (CIR) dont le montant est fixé à 30 % des dépenses de recherche n’excédant par 100 M€ et 5 % au-delà de ce seuil – sans plafonnement. La tentation pourrait donc être grande pour les entreprises effectuant tant des dépenses de recherche que des dépenses d’innovation – de simplifier l’analyse pour bénéficier du CIR sur le tout. L’on peut aussi imaginer des entreprises qui ayant vu leur analyse remise en cause s’agissant du CIR pour des exercices antérieurs, tentent de basculer ces dépenses vers le CII… avec tous les risques que cela comporte. Par ailleurs, pour les entreprises pouvant bénéficier concomitamment du CII et du CIR, il peut être difficile, notamment s’agissant des prototypes, de départager les dépenses qui relèvent du CIR de celles relevant du CII.
Compte tenu des incertitudes non encore levées, et afin de sécuriser le risque fiscal, il est vivement recommandé de demander un rescrit fiscal à l’Administration fiscale pout s’assurer de la conformité des dépenses avec la définition appliquée à l’éligibilité du CII. Cette demande de rescrit doit être faite au moins 6 mois avant la date limite de dépôt de la déclaration fiscale mais permettra d’être fixé sur la façon dont l’administration fiscale considère que la situation de votre société doit être traitée au regard de l’impôt.
Béatrice LERAT
Avocat
Cet article est une reprise de notre article paru dans le journal du palais du 10 mars 2014 n°4384
Mots-clefs : CII, CIR, CIRI, crédit d'impôt recherche, crédit d'impôt recherche innovation, dépenses, loi de finances 2013, management juridique de l'innovation, rescrit, sécuriser