Start up : réussir sa première levée de fonds
Toute entreprise, et en particulier une start up, a besoin de financement pour se développer. Après avoir épuisé les modes de financement classiques (notamment concours bancaires, subventions, crédit d’impôt recherche), la start up est amenée à solliciter des investisseurs financiers et/ou des Business Angels. Cette première levée de fonds doit être soigneusement préparée – pas seulement au niveau financier – mais également sur un plan juridique.
(Reprise de notre article paru dans ECODOCS21 le 9 juin 2017)
Anticiper les différentes étapes
Nombre de start-up imaginent que lorsque l’investisseur sera convaincu par leur projet, la réalisation de l’entrée au capital de l’investisseur – avec notamment toute la phase de mise en œuvre des actes juridiques – sera très simple….et rapide. En réalité, plusieurs mois s’écouleront entre l’obtention de l’accord de l’investisseur et le déblocage effectif des fonds. Pour bien gérer sa première levée de fonds, il faut donc intégrer la contrainte temps dans son business plan.
Il faut également gérer les différentes étapes des actes juridiques. Les étapes majeures sont la lettre d’intention puis après réalisation des audits éventuels, la mise en place du pacte d’actionnaires, de la documentation d’augmentation de capital et des contrats d’émission éventuels.
La Lettre d’intention et les audits
La lettre d’intention (Letter Of Intent), sauf à ce qu’elle ait été précédée d’un accord de confidentialité, sera le premier acte juridique engageant à intervenir entre les fondateurs et le ou les investisseurs.
Elle fixera les modalités d’entrée du fonds au capital de la start up. La longueur et le niveau de détail varieront d’une opération à l’autre, en fonction du niveau d’avancement des discussions.
L’on trouvera a minima dans la lettre d’intention les modalités financières, le calendrier de l’opération de levée de fonds, la mention de l’émission des titres envisagés ainsi que très souvent la mention d’une période d’exclusivité au profit du fonds et la mention d’une clause de confidentialité.
Le dirigeant de start up et l’équipe de fondateurs auront donc tout intérêt à ce que la lettre d’intention développe le contenu des clauses à insérer dans le pacte d’actionnaires et/ou les statuts et à faire état précisément des conditions de sortie de l’investisseur mais aussi des fondateurs (hypothèses de good et bad leaver).
Même si la lettre d’intention dans sa version développée est plus longue à négocier, les actes définitifs prendront finalement beaucoup moins de temps pour être finalisés. En effet, toutes les conditions ou presque auront été préalablement fixées dans la LOI.
Après la signature de la LOI et sauf à ce que l’investisseur soit un fonds de Business Angels, viendra la phase d’audits, très chronophage, portant notamment sur les aspects juridiques, fiscaux et financiers.
Il faudra donc que le ou les fondateurs, en pleine phase critique de développement, puissent consacrer du temps à la communication des documents et informations sollicités par le fonds.
Le pacte et les autres actes définitifs
Il faudra également que les fondateurs prennent un peu de temps en vue d’examiner et d’apprécier la portée des dispositions que l’investisseur demandera d’introduire dans les statuts et/ou dans le pacte d’associés ou d’actionnaires…et s’assure que les dispositions du pacte et des statuts soient cohérentes entre elles.
Si certaines clauses sont habituelles et bien connues comme les clauses d’agrément et de préemption ou les clauses assurant à l’investisseur des droits d’information et de contrôle, d’autres clauses prévoyant des conditions de sorties défavorables pour le fondateur nécessitent un examen attentif.
Les fondateurs devront donc particulièrement examiner les clauses de sortie et anticiper leur mise en jeu afin de disposer de la capacité financière nécessaire le jour où l’investisseur sortira du capital.
La question de la cession de titres est traditionnellement un pan important du pacte. Des clauses de sortie forcée (obligeant les actionnaires minoritaires à céder leurs titres, en même temps que les autres actionnaires, à un tiers acquéreur) sont souvent insérées.
L’on trouve aussi fréquemment des clauses envisageant une restriction des droits de propriété intellectuelle créés par les fondateurs de la start up et des clauses portant sur la cessation des fonctions des fondateurs de la start up : les fameuses clauses good et bad leaver. L’objectif avec les « bad leaver » doit être de limiter le montant de la décote et de définir limitativement les cas caractérisant un mauvais comportement des fondateurs concernés.
Les fondateurs devront aussi examiner avec soin que les clauses de non concurrence qui leur seront proposées soient acceptables en termes de durée et périmètre visés.
Certaines clauses peuvent être très problématiques : Il conviendra ainsi d’être très vigilant en cas de clause anti-dilution : ce type de clause permet à l’investisseur de conserver son pourcentage de participation en cas d’entrée d’un nouvel investisseur. Pire, la clause Ratchet permet au fonds d’ajuster sa participation lors du tour de table suivant en imposant par exemple aux fondateurs de céder un certain pourcentage de leurs titres pour l’euro symbolique. Mieux vaut donc prendre conseil auprès de son Avocat…
Après la négociation du pacte, l’entrée au capital de l’investisseur sera réalisée dans la majeure partie des cas par le biais d’une augmentation de capital réservée qui peut nécessiter la préparation d’une documentation juridique assez conséquente de la part de l’avocat. Il faut à ce stade que les fondateurs soient aussi conscients du fait que le processus interne du fonds peut nécessiter quelques jours avant que les fonds ne soient effectivement libérés et versés sur le sous compte bloqué augmentation de capital de la start up.
Attention : le pacte d’associés ou d’actionnaires contient aussi fréquemment des clauses portant sur la gouvernance de la société avec notamment la mise en place de comité stratégique ou de comité de surveillance non prévus par la loi.
Compte tenu d’un arrêt récent de la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation du 25 janvier 2017, il conviendra d’être particulièrement vigilant quant à la portée des clauses de gouvernance figurant dans un pacte. Il faudra également veiller à ce que le pacte ne prévoit pas, en cas de conflit entre le pacte et les statuts, la prévalence du pacte sur les statuts…. sous peine que les clauses du pacte ne puissent recevoir application.
Béatrice LERAT
Avocat au Barreau de DIJON
(Cet article est une reprise de notre article paru dans ECODOCS21 le 9 juin 2017)
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