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03.06.2015

En route pour les sociétés commerciales…sans but exclusivement lucratif!

La Loi Economie Sociale et Solidaire (ESS) a consacré l’entrée des sociétés commerciales « classiques » dans le secteur de l’économie sociale et solidaire. Petit point sur une révolution…non encore achevée qui consacre un mode d’entreprendre différent, générateur de richesses économiques et de réponses aux besoins sociaux et environnementaux !

La Loi ESS du 31 juillet 2014, plus connue pour avoir instauré un droit d’information au profit des salariés en cas de transmission d’entreprise, a aussi posé une première définition de l’ESS et de ses acteurs en instaurant une nouvelle catégorie d’acteurs : les « entreprises de l’ESS ».

Les entreprises de l’ESS, quèsaco ???

Ce sont des sociétés commerciales qui poursuivent un objectif d’utilité sociale et font le choix de s’appliquer à elles-mêmes les principes de l’ESS dans des conditions déjà largement encadrées à ce jour.

Les associés peuvent adapter n’importe quelle forme juridique commerciale classique pour constituer leur entreprise ESS… mais la Société Par Actions Simplifiée (SAS) semble être la forme la plus adéquate pour organiser au mieux le fonctionnement interne tout en respectant les contraintes imposées par la Loi.

Trois conditions sont nécessaires pour que la société accède au secteur de l’ESS (et aux nouveaux financements spécialisés) :

  • Premièrement, il convient d’aménager les statuts pour assurer une gouvernance participative (proche de celle des coopératives). Il conviendra au cas par cas de déterminer la forme que peut revêtir cette gouvernance pour associer les associés, les salariés et les parties prenantes. Un comité stratégique au sein duquel les décisions seraient prises à la majorité simple en suivant le principe « une personne une voix » pourrait par exemple être mis en place statutairement.

A noter que lors de leur assemblée générale annuelle, les sociétés commerciales devront présenter des informations sur l’application des pratiques qui seront définies par le guide des bonnes pratiques des entreprises de l’ESS.

  • Deuxièmement, pour appartenir à l’ESS, il convient de limiter la lucrativité de la société en réinvestissant la majorité des bénéfices pour le développement ou le maintien de l’activité.

Ainsi lors de la rédaction des statuts des sociétés commerciales ESS, il conviendra de combiner les règles habituelles régissant l’affectation des résultats des sociétés commerciales avec les règles plus strictes, inhérentes à l’ESS (dont certaines restent encore à préciser par décret) : les associés d’une société commerciale de l’ESS ne pourront ainsi pas affecter librement les résultats de l’entreprise mais devront au contraire constituer obligatoirement des réserves, dans des conditions qui ne seront définitivement fixées qu’après publication des décrets. Le but est, ici, d’assurer la pérennité de la structure et la continuation de son activité. Une réserve statutaire obligatoire appelée « fonds de développement », impartageable et non distribuable, devra ainsi être constituée en prélevant une partie des bénéfices (dans des conditions fixées par décret). Rien n’étant en revanche précisé en l’état concernant la réserve légale, les professionnels risquent de devoir faire face à quelques questions concernant l’ordre de dotation de la réserve légale par rapport à la réserve statutaire obligatoire « ESS » !

  • Troisièmement, les sociétés commerciales sous statut ESS devront adopter une rédaction adéquate de l’objet social mettant en exergue la poursuite d’une utilité sociale (cette notion sera précisée par une circulaire ministérielle).

Les + du cabinet

L’on sait déjà que cette poursuite d’une utilité sociale peut passer par trois objectifs que l’on peut résumer ainsi:

  1. l’exercice par la société d’une activité ayant pour objectif d’apporter un soutien à des personnes en situation de fragilité;
  2. la contribution, principalement, à la lutte contre les exclusions et les inégalités, l’éducation et la citoyenneté ;
  3. le concours de la société au développement durable dans ses dimensions économique, sociale, environnementale et participative, à la transition énergétique ou à la solidarité internationale sous réserve que l’activité de la société soit liée à l’un des les deux premiers objectifs susvisés.

Sous réserve de respecter le principe d’encadrement des salaires, l’entreprise peut également être agréée « entreprise solidaire d’utilité sociale » ce qui lui ouvrira droit à des dispositifs fiscaux favorables type ISF-PME notamment.

Pour celles qui auront respecté les règles contraignantes ESS, un quota des financements de la Banque Publique d’Investissement leur sera également réservé. Ces sociétés commerciales ESS pourront également être intégrées aux Pôles Territoriaux de Coopération Economique pour mettre en œuvre une stratégie de mutualisation- coopération ou partenariat au service de projets économiques et sociaux innovants, socialement ou technologiquement et porteurs d’un développement local durable.

Pour bénéficier de ce statut et des avantages liés, les entreprises commerciales devront s’immatriculer au RCS en qualité « d’entreprise de l’ESS ».

Cerise sur le gâteau…l’entreprise de l’ESS pourra aussi émettre et gérer des titres de monnaies locales complémentaires (à condition que ce soit son unique objet).

La société commerciale est donc peut être le nouveau véhicule hybride permettant de réaliser un projet économique solidaire sans l’interdiction de la lucrativité propre aux associations Loi 1901.

Béatrice LERAT

Avocat – LERAT AVOCAT

Cet article est une reprise de notre article paru dans ECODOCS 21 n°528 du 29 mai 2015

PRECISION JUILLET 2015

Le Décret 2015-858 du 13 juillet 2015 prévoit que:

À compter du 1er janvier 2016, les statuts des sociétés commerciales qui revendiquent la qualité d’entreprise de l’économie sociale et solidairedevront mentionner un objet social qui réponde à l’un des objectifs suivants :

– soutenir des personnes fragiles du fait de leur situation économique, sociale ou personnelle ;

– lutter contre les exclusions et les inégalités ;

– concourir au développement, à la transition énergétique ou à la solidarité internationale, sous réserve que leur activité soit liée à l’un des objectifs mentionnés ci-dessus.

Leurs statuts devront également mentionner :

– la composition, le fonctionnement et les pouvoirs des organes de la société assurant une gouvernance démocratique, et notamment l’information et la participation des associés, des salariés et des parties prenantes aux réalisations de la société ;

– l’affectation majoritaire des bénéfices à l’activité de la société ;

– le caractère impartageable et non distribuable des réserves obligatoires ;

– la mise en œuvre des principes de l’économie sociale et solidaire dans le mode de gestion.

A suivre donc.

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