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03.06.2020

Le devoir de loyauté du dirigeant de société… une notion à géométrie variable?!

Par un arrêt rendu le 18 mars 2020, (Cass. Com., 18-3-2020 n°18-17.010 F-D, Société Esprit métal c/D),  la  Cour de Cassation valide le fait que l’accord unanime des associés est parfaitement suffisant pour écarter le devoir de loyauté du dirigeant qui lui impose de ne pas exercer d’activité concurrente.

Une société peut donc tout à fait  affranchir son dirigeant du devoir de loyauté… ou l’aménager …. de sorte que le devoir de loyauté se comprend comme une notion à géométrie variable….que l’on peut notamment être amené à aménager statutairement ou dans le cade de différents accords entre les associés, en fonction des intérêts en présence.

En espèce, la situation était très simple: Bien que gérant d’une SARL, la personne avait négocié pour le compte d’une autre société, dont elle était également dirigeante, un marché dans le même domaine d’activité que la SARL. Invoquant le manquement du gérant à son obligation de loyauté et les actes de concurrence déloyale commis par ce dernier, la SARL lui réclame des dommages-intérêts.  La Cour de cassation rejette la demande.

Ne donne pas lieu à responsabilité le fait dommageable portant atteinte à un droit ou à un intérêt dont la victime pouvait disposer, si celle-ci y a préalablement consenti. Le gérant de SARL qui, durant son mandat, exerce, à titre personnel ou par l’intermédiaire d’une autre société, une activité concurrente de celle de la société qu’il dirige ne manque pas à son devoir de loyauté et n’engage pas sa responsabilité envers celle-ci en application de l’article L 223-22 du Code de commerce s’il a reçu, pour ce faire, l’autorisation unanime des associés.

En l’espèce, l’activité concurrente développée par le gérant et les modalités de répartition du marché entre les deux sociétés avaient été unanimement approuvées par les associés dès l’origine, de sorte que la communauté des associés avait valablement pris la décision de valider la création par le dirigeant d’une activité concurrente, même si elle n’avait pas été formalisée dans le cadre d’une assemblée générale ; il résultait notamment des assemblées postérieures donnant quitus au gérant ou approuvant ses rapports de gestion évoquant la répartition du marché entre les deux sociétés que les associés avaient, au moins implicitement, décidé d’une sorte de statu quo.

L’arrêt est intéressant en ce qu’il valide que le consentement des associés peut, s’agissant d’une SARL être exprimés dans le cadre d’une assemblée ou, si les statuts le prévoient, par consultation écrite ou dans un acte exprimant le consentement de tous les associés en vertu de l’article L223-37 du Code de commerce.

Cet arrêt s’inscrit tout à fait dans le prolongement de la jurisprudence de la Cour de Cassation qui avait déjà validé le fait que les associés d’une SARL pouvaient tout à fait valablement déroger à une clause des statuts et s’en affranchir par l’établissement d’actes postérieurs, valables dès lors que tous les associés y consentent… y compris lorsqu’il s’agit de déroger à une clause des statuts interdisant l’exercice d’une activité concurrente par un dirigeant.

En l’espèce, la réunion d’une assemblée générale ou l’établissement d’un acte écrit n’était pas nécessaire selon la Cour dès lors que les associés avaient manifesté leur accord dès l’origine et renoncé sans équivoque par la suite à dénoncer les actes de concurrence du dirigeant.

La prudence serait néanmoins d’acter une telle situation au niveau juridique de manière à prévenir toute situation conflictuelle ultérieure et de manière à sécuriser les intérêts en présence.

Béatrice LERAT
Avocat
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