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12.11.2013

Contrats & préservation du patrimoine de l’entreprise innovante

Le contenu des clauses insérées dans les contrats de l’entreprise innovante est trop souvent négligé. Pourtant, le patrimoine de l’entreprise, tant matériel qu’immatériel, est particulièrement exposé s’il n’est pas valorisé et protégé par le biais de stipulations adéquates à adapter en fonction de chaque situation contractuelle.

Il est d’usage de considérer que la propriété intellectuelle constitue l’instrument juridique adéquat pour fournir aux entreprises innovantes le moyen de protéger leurs investissements créatifs et d’exploiter paisiblement leurs innovations. Ce n’est d’ailleurs pas le seul. Pourtant, en pratique, l’on constate que ces entreprises utilisent très peu les ressources juridiques.

Ceci étant, il faut dire aussi que peu d’entreprises pensent à protéger leur patrimoine, ne serait ce que dans le cadre des contrats de travail conclus avec leurs salariés. Pourtant, et on l’oublie trop souvent, la protection du patrimoine matériel de l’entreprise vis à vis des salariés passe par des clauses concernant l’utilisation du matériel informatique ou l’utilisation du téléphone par exemple. A l’heure où la sécurité des échanges via Internet notamment pose question, l’on comprend vite que de la protection du patrimoine matériel à la protection du patrimoine immatériel de l’entreprise innovante, il n’y a qu’un pas.

De même dans le cadre d’un contrat de travail, des dispositions concernant la confidentialité, les obligations de secret mais aussi la politique de transfert des droits d’auteurs ou les mécanismes du code de la propriété intellectuelle concernant le brevet d’invention sont déjà un premier pas important vers la protection du patrimoine immatériel… ne serait ce que par la sensibilisation des salariés aux problématiques de l’entreprise innovante.

 

Pour savoir comment le protéger, encore est-il primordial d’établir pour chaque entreprise la consistance de son patrimoine immatériel.

Le patrimoine immatériel est l’ensemble des éléments incorporels dont la possession est susceptible d’apporter à une entreprise un avantage économique sur son marché.

Le patrimoine immatériel de l’entreprise innovante revêt trois dimensions :

  1. les actifs technologiques (tels que par exemple un procédé ou un dispositif technique nouveau grâce auquel une entreprise possède un avantage comparatif direct sur la concurrence qu’il convient de bien identifier et dont l’exclusivité doit être assurée le plus parfaitement et le plus longtemps possible vis-à-vis des autres acteurs du marché) ; A condition de mettre en œuvre une politique juridique tout à la fois offensive et défensive, le droit en particulier de la propriété intellectuelle permet une protection efficace, mais sans doute perfectible, de ces actifs.
  2. les techniques commerciales et modes d’accès à la clientèle : cela va de l’étude des marchés et de la définition de son offre, jusqu’aux méthodes de vente, en passant par la politique de communication et d’approche du client. Quoi qu’il en puisse paraître ces actifs sont beaucoup plus stratégiques que les précédents. Si la forme externe des outils commerciaux de l’entreprise peut être juridiquement bien protégée, le contenu même des processus commerciaux est plus difficile à protéger. En l’absence de dispositif juridique ad hoc à ce jour, il est nécessaire, même si ce n’est pas une sécurité absolue, d’encadrer sa sauvegarde par le recours aux pratiques contractuelles notamment clauses de discrétion, confidentialité ou secret assorties de clauses pénales dissuasives mais aussi par le recours aux clauses d’exclusivité et non concurrence …
  3. le capital organisationnel et relationnel de l’entreprise : cela recouvre la compétence des individus, leur adaptabilité à l’environnement et la manière dont ils sont affectés aux différentes tâches de l’entreprise et dont ils forment un réseau de communication d’information efficace. Cet aspect est peu pris en compte par le droit hormis le recours dans les contrats de travail et les règlements intérieurs aux outils contractuels que sont les clauses de non concurrence, confidentialité, non-débauchage – qui peuvent être utilisées par les entreprises, dans la limite de ce que les règles protectrices des salariés et de la vie privée leur permettent.

L’introduction de clauses de non sollicitation assorties d’une sanction pénale dans les contrats avec les partenaires de l’entreprise innovante sera un moyen de prévenir et le cas échéant de pallier à la fuite des cerveaux.

En effet, pour protéger le capital organisationnel et relationnel de l’entreprise dans les contrats, il convient impérativement de réfléchir à la mise en place d’une protection allant au-delà de la simple mise en place de clauses de confidentialité dont le caractère usuel n’empêche pas qu’elles restent toujours d’une efficacité modérée : en effet leur non-respect crée nécessairement une situation irréversible (la divulgation à un ou plusieurs tiers) que les dommages et intérêts peuvent indemniser sans pouvoir complètement la réparer.

Preuve s’il en était besoin que mieux vaut prévenir que guérir … et que le législateur a encore un petit effort à fournir pour assurer à nos entreprises innovantes une sécurité juridique et un environnement juridique parfaitement stable et incitatif !

 

Ce qu’il faut retenir :

  • certaines clauses sont indispensables pour clarifier des éléments mal définis par les différentes branches du droit,
  • ou pour restreindre le champ des possibles ouverts au cocontractant,
  • en n’oubliant pas que les impératifs contractuels doivent être définis en amont ET priorisés.

 

Cet article est une reprise de notre article paru dans ecodocs21 n°444  du 17 octobre 2013

Béatrice LERAT

Avocat

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