Patrimoine: attention aux donations indirectes entre époux séparés de biens!
Article rédigé à partir de la réponse apportée par Me LERAT à la question posée dans la rubrique le droit et vous du quotidien régional le BP le 22 août 2012:
les époux mariés sous le régime de la séparation de biens qui souhaitent acheter ensemble une maison dont l’emprunt serait remboursé par un seul des époux ayant une activité professionnelle (le conjoint étant sans revenu) risquent d’encourir les foudres de l’administration fiscale sur le fondement de la donation indirecte entre époux.
question posée dans la rubrique le droit et vous: Mon époux et moi-même sommes mariés sous le régime de la séparation de biens. Nous souhaiterions acheter ensemble une maison dont l’emprunt serait remboursé par mon mari médecin puisque je n’ai pas de revenu.
Le notaire estime qu’il y a un risque que le fisc considère qu’il s’agit d’une donation entre époux. Qu’en pensez-vous ?
réponse: Effectivement, lorsqu’un époux finance seul l’acquisition en indivision d’un ou plusieurs biens immobiliers réalisée par le couple marié sous le régime de séparation de biens, il existe un risque fiscal de requalification en donation.
L’administration fiscale peut en effet considérer que la part du bien attribué à l’époux qui ne participe pas financièrement au remboursement de l’emprunt (madame en l’espèce puisqu’elle est sans emploi) constitue une donation indirecte entre époux…taxable à ce titre !
C’est d’ailleurs la position de l’administration fiscale depuis plusieurs années déjà.
A cet égard, la Cour de cassation s’est prononcée en 2011 sur cette question. Et, il ressort malheureusement d’un arrêt du 15 mars 2011 (Cass. Com, 15 mars 2011, n°10-14-886) que lorsqu’un des deux conjoints, mariés sous le régime de séparation de biens, finance seul des acquisitions immobilières faites au nom des deux époux sans qu’il en soit fait mention dans l’acte d’achat du ou des immeubles, cela témoigne d’une intention irrévocable de se déposséder de la moitié des fonds. La Cour de cassation précise que cette intention est d’autant plus caractérisée s’il apparaît que l’époux qui n’a pas contribué au financement des biens ne dispose pas de moyens de rembourser l’emprunt.
La position du fisc encore renforcée par la récente jurisprudence de la Cour de cassation doit donc vous inciter à la prudence dans la mise en place de votre montage d’acquisition.
Ainsi si vous souhaitez maintenir votre projet d’acquisition tel que présenté, il faudra à tout le moins adapter la rédaction de l’acte d’acquisition du bien immobilier et impérativement être en mesure de prouver que la transmission de façon indirecte de la moitié du bien immobilier au profit de madame ne constitue pas une donation indirecte…. !
Par exemple et sans que la présente réponse soit exhaustive, cela nécessite impérativement que vous puissiez démontrer par exemple que le financement intégral par un des deux époux correspond à une simple avance remboursable (au moment de la liquidation du régime matrimonial) ; ou que vous puissiez démontrer que le financement intégral par Monsieur (« l’époux bailleur de fonds » correspond à une prestation rémunératoire dédommageant l’épouse bénéficiaire. Ceci étant dans la mesure où Madame ne collabore pas en l’espèce à l’activité professionnelle de son époux, il conviendra quelle puisse démontrer que son activité de femme au foyer excède la contribution aux charges du ménage….ce qui n’est pas forcément évident à prouver !
Béatrice LERAT
Avocat
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